Toi que j'aime si fort, je ne te comprends plus.
Tu as toujours été un modèle d'ouverture d'esprit et de tolérance, et tu me paraîs désormais si fermé. Comment peux-tu estimer détenir la seule vérité ? Comment peux-tu rester sourd à la sensibilité des autres ? à leur vision des choses ?
Toi qui prônais de "vivre avec son temps", tu ne fondes plus ton jugement que sur des faits passés. Une vision de ces faits que je trouve bien souvent déformée... Finalement, on ne retient du passé que ce qui nous semble bien, agréable, et le reste, on l'oublie, ou on l'enjôlive. Je dirais que cette faculté d'oublier certaines difficultés est salvatrice, ça nous évite de souffrir et de ressasser aussi. Mais bon, justifier ton jugement présent par des faits passés, là je dis non.
Toi qui m'as tant appris, je ne te comprends plus. Tu m'as appris à me donner les moyens de réussir, à aller au bout de mes projets. Tu m'as prouvé qu'on peut aller loin quand on s'en donne les moyens. Tu m'as aussi appris à écouter, à ne pas juger sans savoir. Tu m'as transmis le sens du consensus, oui on peut garder ses idées mais tout en respectant le point de vue des autres. Je t'admirais. Tu as toujours avancé sans écraser les autres. Tu es quelqu'un de droit comme on dit. Tu as toujours aidé quiconque venait à toi. Oui mais maintenant, ce n'est plus de l'aide, c'est de l'intrusion. Combien de fois j'ai eu envie de te dire "arrête de te mêler de ce qui ne te regarde pas". On ne peut pas aider quelqu'un qui n'en a pas envie. On ne peut pas imposer des décisions à quelqu'un qui demande juste un point de vue. La limite entre aider et infantiliser est mince mais elle existe.
Et nos discussions, elles ne sont plus que débats stériles. Pourtant je les aimais nos discussions, nos "échanges" comme tu dis. J'aime débattre, j'aime défendre mes idées, mais je n'aime pas que l'on me cloue le bec à coups de "tu ne peux pas dire ça". Si, je le peux et je le dis ! Quand j'affirme, tu te renfermes, et si j'esquive, le reproche tombe: "tu refuses le débat". Alors on se contente de parler des louloutes, mais attention, pas de sujet de fond, surtout pas d'éducation, non, juste ce qu'elles font en ce moment; on parle de la pluie et du beau temps, c'est tout. Je ne peux pas tout accepter sous prétexte que tu es de bonne volonté, que tu veux bien faire.
Sans parler de cette susceptibilité qui est devenue une véritable "maladie de la persécution". Non, la Terre entière ne t'en veut pas. Non, nous ne te reprochons pas tous les maux.
Je n'arrive plus à te prouver mon amour. Je ne parviens plus à m'enthousiasmer de te voir. Couper les ponts, il n'en est pas question, j'en souffrirais et toi aussi, sans parler des "dommages collatéraux". Je ne te comprends plus, tu ne me comprends plus, mais j'aimerais tant que tout redevienne aussi simple qu'avant, qu'on puisse de nouveau se parler dans le respect, sans craindre de réaction hostile de part et d'autre. J'aimerais tant pouvoir te demander conseils sans crainde de jugement. J'aimerais tant te sentir serein, en paix avec toi-même et avec tes proches.
Que nous est-il arrivé ? Est-ce moi qui ai changé ? Est-ce la faute aux années qui passent ? qui accentuent tes défauts et m'ouvrent les yeux ?
Peut-être qu'un jour le courage me viendra de te dire combien je t'aime, combien je regrette qu'on ne puisse plus discuter avec sérénité et combien j'ai besoin de retrouver notre complicité, notre relation "d'avant".
Et peut-être que d'avoir écrit ma pensée ici me donnera l'idée de t'écrire.